Que l'on ne se méprenne pas : notre objectif n'est pas de dénigrer le travail sur le film patriotique de Léonce Perret Une page de gloire (lequel n'a pas été restauré par la Cinémathèque française). Au contraire, nous saluons comme il se doit que la Cinémathèque française nous ait permis de revoir cette bande, presque 90 ans après. Tout comme nous tenons à souligner, par ailleurs, le très grand mérite de toutes les équipes pour ceux des films qu'elles ont restaurés; mercredi soir, par exemple, les spectateurs ont pu admirer le travail accompli sur Koenigsmark; avec, notamment, plusieurs passages en couleur particulièrement remarqués.
Du reste, l'erreur de montage que nous allons signaler, existait peut-être dès l'origine; ne tiendrait-elle pas aux studios Gaumont de l'époque ?
Nous ne sommes pas qualifié pour trancher. La seule chose que nous puissions dire, c'est que cette petite inexactitude nous paraît due, fondamentalement, à une caractéristique du cinéma de Perret. Une caractéristique que nous préciserons dans notre prochaine étude sur ce réalisateur.
Quel est donc ce petit défaut ?
Au début du film, l'héroïne vit avec ses parents à la campagne. Elle est amoureuse d'un paysan de leurs voisins. Or, le père s'oppose à l'union (inutile de souligner à quel point cela rappelle l'intrigue du Moïse du moulin). Les jeunes gens se mettent en ménage, contre l'avis du père de la jeune fille. Ils ont un enfant. Mais, voici que le mari doit partir à la guerre avant la naissance du petit. Un jour, l'héroïne décide d'aller sur le front afin de montrer à son homme son bébé; qui sait, en effet, s'il sortira vivant de cette guerre, et si, dès lors, il verra jamais son enfant ?
La voici donc au front. Elle assiste à des batailles. Or - et c'est là qu'intervient l'erreur - tout à coup, nous assistons à une très courte scène qui, de toute évidence, n'a rien à faire ici : nous découvrons la jeune femme, en contre-jour, qui sort d'une grange; dehors, l'attend son amoureux, habillé non en soldat, mais en paysan, comme il l'était au début du film, avant de partir au front. Les mimiques de la demoiselle permettent de comprendre qu'elle retrouve le garçon en cachette. Après cette scène, nous voici de nouveau sur le champ de bataille, avec la dame qui assiste à des combats.
On l'aura compris : il est impossible que la séquence décrite soit à sa place là où elle se trouve dans la copie projetée. Elle n'y signifie rien du tout. Chronologiquement, elle devrait se placer bien avant. A l'évidence, ce court passage devrait intervenir après que le père de l'héroïne se fut opposé au mariage, certes; mais avant que l'amoureux de ladite héroïne ne parte à la guerre. C'est à ce moment-là que la jeune fille a un rendez-vous avec son prétendant, en cachette, parce que le père ne doit pas savoir.
Il est clair que la confusion a été facilitée par le fait que, dans le passage mal monté, l'héroïne sort d'une grange. Or, c'est également d'une grange qu'elle assiste aux combats lorsque la guerre a éclaté. De cela, quelqu'un a déduit que les scènes en question se situaient au même moment. Ce qui, une fois de plus, est impossible.
Ce n'est pas grave. L'important est que nous ayons pu voir ce film.
Une fois de plus, réjouissons-nous que la Cinémathèque française ait programmé ce cycle Perret.
Et regrettons que les spectateurs ne soient pas plus nombreux. Il est tout de même dommage que les Français s'avèrent si peu curieux; et qu'ils ne soient plus au rendez-vous dès qu'on leur projette quelque chose d'un peu différent.